Etat d'urgence sanitaire : les associations face à la crise
La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 touche de plein fouet la société française et le secteur associatif n’est pas épargné. Que cela soit du côté des têtes de réseau associatives ou du gouvernement, les réactions ne se sont pas fait attendre très longtemps. Chacun se mobilise en son domaine d’action et de compétence pour que le pays, et notamment les associations, puissent faire face.
Mobilisation du monde associatif
Si les réactions des acteurs associatifs ont été rapides et nombreuses, il serait vain de vouloir en dresser un inventaire exhaustif. Ainsi, si l’on devait n’en retenir qu’une, ce serait celle de la représentation nationale des associations françaises : Le Mouvement associatif.
La fameuse tête de réseau a en effet immédiatement lancé une enquête, construite avec l’appui de Recherches & Solidarités et en lien avec le Réseau national des maisons des associations (RNMA), pour évaluer l’impact du Covid-19 sur les associations et les aides nécessaires (http://enquetesv2.recherches-solidarites.org/detail/COVID-19/). Si les résultats complets seront développés prochainement, le constat est sans appel : à peine 22 % des associations parviennent à maintenir une petite activité, juste supérieure à 20 % de leur action habituelle.
En parallèle, Le Mouvement associatif a mis à disposition des associations, sur son site Internet, un ensemble de ressources pour les aider à affronter la situation de crise sanitaire. Le tout s’organise autour de différentes rubriques :
– « Faire face aux difficultés économiques » ;
– « Faire face en restant solidaire » qui renvoie notamment vers la plateforme générale de mobilisation de solidarité (https://covid19.reserve-civique.gouv.fr/) ainsi que sur le site https://benevolat.fr/ proposant des actions de bénévolat à distance ;
– « Faire face en étant connecté » ;
– « Faire face en se tenant informé ».
Mesures juridiques gouvernementales
À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle : l’état d’urgence sanitaire a été déclaré en France le 23 mars 2020 (L. n° 2020-290, décr. n° 2020-293, arr. NOR : SSAX2007864A du 23 mars 2020, JO du 24). Ainsi, en application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, le gouvernement a été autorisé à procéder par voie d’ordonnances dans différents domaines. Nombre d’entre elles intéressent l’action associative. En voici une présentation.
Il est important de préciser à titre préliminaire que, grâce à une action conjointe du Mouvement associatif et de France générosités, un amendement du gouvernement a intégré les associations dans le projet de loi au motif – plus que légitime – que « les associations doivent elles aussi faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du virus Covid-19 ».
Action en justice. Devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, le fonctionnement des juridictions civiles, sociales et commerciales est allégé : les modalités d’organisation des audiences sont assouplies et l’information des parties et l’organisation du contradictoire peuvent être effectuées par tout moyen. Certaines mesures de protection (majeurs protégés, victimes de violences au sein du couple, personnes menacées de mariage forcé) sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de la période définie (entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire), « à moins qu'il n'y ait été mis fin ou que leur terme ait été modifié par le juge compétent avant l'expiration de ce délai ». Des adaptations spéciales sont également établies pour les juridictions pour enfants et le délai des mesures d’assistance éducative est prolongé. (Ord. n° 2020-304 du 25 mars 2020, JO du 26)
Devant les juridictions pénales, les délais de prescription de l’action publique et d’exécution des peines sont suspendus à compter du 12 mars 2020 jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. Les conditions de saisine des juridictions sont assouplies et leur fonctionnement est allégé (autorisation plus large des audiences dématérialisées, élargissement des formations à juge unique). Notamment, par dérogation, la chambre de l'application des peines de la cour d'appel peut statuer sans être composée du responsable d'une association de réinsertion des condamnés et du responsable d'une association d'aide aux victimes. Enfin, les règles concernant la garde à vue, la détention provisoire, l’assignation à résidence et aux conditions de fin de peine sont adaptées. (Ord. n° 2020-303 du 25 mars 2020, JO du 26)
Devant les juridictions de l’ordre administratif, il est désormais possible de renforcer les formations collégiables incomplètes par des magistrats d’autres juridictions, d’informer par tout moyen des dates d’audience, de recourir largement aux télécommunications pour tenir les audiences, de statuer pour les juges des référés sans audience tout comme les cours administratives d’appel sur les demandes de sursis à exécution, de ne pas prononcer lors de l'audience les jugements relatifs aux mesures d'éloignement des étrangers placés en centre de rétention. Des dispositions particulières concernent les délais de procédures et de jugements. Notamment, le point de départ des délais impartis au juge pour statuer est reporté au premier jour du deuxième mois suivant la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. Toutefois, des exceptions sont prévues concernant les délais pour statuer sur certains recours en droit des étrangers (refus d’entrée, décision de transfert, placement en rétention) qui ne font pas l'objet d'adaptation. (Ord. n° 2020-305 du 25 mars 2020, JO du 26)
Relations avec l’administration. Certains délais échus sont prorogés et certaines procédures administratives sont adaptées. Notamment, les démarches prescrites par la loi ou le règlement (acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication) dont l’absence d’accomplissement peut entraîner des effets juridiques (nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, etc.) et n’ayant pas été accomplies pendant la période d’urgence sanitaire seront réputées avoir été faites à temps si elles ont été effectuées dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période (entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire), le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit. En outre, sont prolongés de deux mois après la fin de la période précédemment évoquée les délais pour résilier ou dénoncer une convention lorsque sa résiliation ou l'opposition à son renouvellement devait avoir lieu dans la même période. De même, sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période certaines mesures juridictionnelles ou administratives dont le terme vient à échéance au cours de la période (interdictions ou suspensions n'ayant pas été prononcées à titre de sanction, autorisations, permis, agréments, mesures d'aide, d'accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale). Toutefois, le juge ou l'autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu'elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020. Enfin, certains délais aux termes desquels peut naître une décision administrative dans le silence de l’administration sont suspendus. (Ord. n° 2020-306 du 25 mars 2020, JO du 26)
Par ailleurs, selon une information résultant d’un échange entre la Direction de l’information légale et administrative (DILA) et une préfecture, aucune demande de publication d’associations, fondations ou fonds de dotation ne sera traitée durant cette période de crise sanitaire, toute création étant donc suspendue jusqu’à la fin du confinement.
Gouvernance. Les règles de convocation, d’information, de réunion et de délibération des assemblées et organes collégiaux dirigeants des associations sont adaptées. (Ord. n° 2020-321 du 25 mars 2020, JO du 26)
Informations financières. Différents délais applicables à l’approbation et la présentation des comptes annuels et autres informations que les associations sont tenues de déposer ou publier sont prorogés. Notamment, le délai imposé aux associations bénéficiaires d'une subvention publique pour produire le compte rendu financier est prorogé de trois mois, tout comme celui d’approbation des comptes. L’application est réservée aux comptes rendus financiers relatifs aux comptes clôturés entre le 30 septembre 2019 et l'expiration d'un délai d'un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. (Ord. n° 2020-318 du 25 mars 2020, JO du 26)
Commande publique. Les règles de passation, procédure ou exécution des contrats soumis au code de la commande publique ainsi qu’aux contrats publics qui n’en relèvent pas sont adaptées. En effet, les délais des procédures de passation en cours peuvent être prolongés et les modalités de mise en concurrence aménagées. Les contrats dont la durée d’exécution arrive à échéance durant la période de la crise sanitaire augmentée de deux mois peuvent être prolongés, et les autorités contractantes obtiennent le droit de s’approvisionner auprès de tiers malgré la présence d’éventuelles clauses d’exclusivité. Certaines mesures permettent par ailleurs de faire obstacle aux sanctions habituellement infligées aux titulaires des contrats publics qui sont dans l’impossibilité, dans ce contexte d’état d’urgence sanitaire, de respecter certaines clauses. Enfin, des règles dérogeant au paiement des avances et des modalités d’indemnisation en cas de résiliation de marchés publics ou d’annulation de bons de commande sont prévues. (Ord. n° 2020-319 du 25 mars 2020, JO du 26)
Locaux professionnels. Les associations dont l'activité économique est affectée par la propagation de l'épidémie de Covid-19 ont la possibilité de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents à leurs locaux, sans encourir de pénalités financières, suspensions, interruptions ou réductions de fournitures. (Ord. n° 2020-316 du 25 mars 2020, JO du 26 ; décr. n° 2020-378 du 31 mars 2020, JO du 1er avr.)
Fonds de solidarité. Est créé pour trois mois un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières notamment aux associations exerçant une activité économique et particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation. Il pourra être prolongé par décret pour une durée maximale de trois mois. Financé par l'État, ce fonds peut également l'être, sur une base volontaire, par les régions, les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et toute autre collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Une convention conclue entre l'État et chaque collectivité territoriale ou EPCI à fiscalité propre volontaire fixera le montant et les modalités de cette contribution (ord. n° 2020-317 du 25 mars 2020, JO du 26). Le champ d'application du dispositif, les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds sont définis par décrets (décr. n° 2020-371 du 30 mars 2020, JO du 31 ; décr. n° 2020-394 du 2 avr. 2020, JO du 3).
ESSMS. Les conditions d’autorisation, de fonctionnement et de financement des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) sont assouplies. Le maintien de la rémunération pour les travailleurs accueillis en établissement ou service d’aide par le travail (ESAT) est par ailleurs garanti en cas de réduction de l’activité ou de fermeture dudit établissement. (Ord. n° 2020-313 du 25 mars 2020, JO du 26)
Droits sociaux. La prolongation de différents droits sociaux est actée : droits et prestations attribués aux personnes en situation de handicap, continuité des droits des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). En outre, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) dispose de deux modalités simplifiées d’organisation et les conditions de recevabilité des demandes sont allégées. (Ord. n° 2020-312 du 25 mars 2020, JO du 26)
Établissements de santé. Une garantie minimale de recettes est assurée au profit des établissements privés d’intérêt collectif et privés. D’une période d’au moins trois mois et qui ne peut excéder un an, se terminant au plus tard en 2021, cette garantie est établie au regard des différents impacts de la crise sanitaire sur les activités respectives desdits établissements. (Ord. n° 2020-309 du 25 mars 2020, JO du 26)
Accueil de jeunes enfants. Les établissements et services gérés par des associations accueillant des enfants de moins de six ans qui assurent l'accueil des enfants des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 seront tenus de communiquer, jusqu’au 31 décembre 2020, leurs disponibilités d'accueil sur un site Internet mis à disposition par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). (Ord. n° 2020-310 du 25 mars 2020, JO du 26)
Tourisme social et familial. Les associations, professionnels du tourisme, organisateurs ou détaillants, pourront proposer à leurs clients, pour une période déterminée et limitée dans le temps, un remboursement de leur voyage ou séjour sous la forme d’une proposition de prestation identique ou équivalente ou par le biais d’un avoir valable 18 mois. Sont notamment concernés les contrats portant sur les services de voyages vendus par des associations organisant sur le territoire national des accueils collectifs de mineurs à caractère éducatif et produisant elles-mêmes ces services. Dans ce cadre, l'association qui propose un avoir au client l'en informe sur support durable (courrier ou courriel) au plus tard 30 jours après la résolution du contrat ou, si le contrat a été résolu avant la date d'entrée en vigueur de l’ordonnance, au plus tard 30 jours après cette date d'entrée en vigueur. L’information précise le montant de l'avoir et les conditions de délai et de durée de validité. (Ord. n° 2020-315 du 25 mars 2020, JO du 26)
Étrangers. Concernant les étrangers réguliers dont le titre de séjour devrait expirer entre le 16 mars et le 15 mai 2020, la validité des documents de séjour (visas de long séjour, titres de séjour, autorisations provisoires de séjour, récépissés de demande de titre de séjour et attestations de demande d'asile) est prolongée pour une durée de 90 jours, en attendant que la demande de renouvellement de leur titre puisse être instruite par les préfets. (Ord. n° 2020-328 du 25 mars 2020, JO du 26)
Trêve hivernale. Pour 2020, la trêve hivernale est repoussée du 31 mars au 31 mai. Pendant cette période, les mesures d’expulsion locatives non exécutées seront mises en sursis et les fournisseurs ne pourront procéder à l’interruption pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz dans une résidence principale de particuliers. Ces mesures sont appliquées et adaptées dans les départements et régions d’outre-mer ainsi qu’à Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna. (Ord. n° 2020-331 du 25 mars 2020, JO du 26)
Indemnisation de victimes. Une adaptation temporaire est opérée quant aux règles d'instruction des demandes et d'indemnisation des victimes par l'Office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) et par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). (Ord. n° 2020-311 du 25 mars 2020, JO du 26)
Relations avec les collectivités. Enfin, il est à noter la prorogation des mandats des conseillers et délégués consulaires et la modification des modalités d’organisation du scrutin (ord. n° 2020-307 du 25 mars 2020, JO du 26) ainsi que la prise de mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux (ord. n° 2020-330 du 25 mars 2020, JO du 26).
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