Droit européen : la liberté d'association consacrée par la Cour de justice
Un récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est d’importance en ce qu’il consacre pleinement la liberté d’association, non en tant que principe purement théorique, mais dans sa mise en œuvre concrète, au travers de son volet financement.
Recours en manquement contre la Hongrie
En substance, la liberté d’association, c’est aussi le droit de financer librement les associations, y compris, le cas échéant, à partir de l’étranger. L’arrêt concerne la Hongrie, État membre de l’Union européenne mais dont les pouvoirs publics apportent depuis plusieurs années des restrictions de plus en plus criantes à l'état de droit et aux libertés et droits fondamentaux. En particulier, a été adoptée en 2017 une loi sur la « transparence des organisations civiles recevant des dons en provenance de l’étranger ». Selon ses détracteurs, cette loi vise le financier américain d’origine hongroise George Soros, qui a créé en 1984 les Open Society Foundations (OSF), bête noire du Premier ministre Viktor Orban. Cette loi impose aux organisations non gouvernementales (ONG) bénéficiant de plus de 7,2 millions de forints (environ 24 000 euros) de financements étrangers par an de s’enregistrer en tant qu’« organisations bénéficiant d’un soutien de l’étranger » et de se présenter comme telles dans toutes leurs publications et sur leur site Internet. Elles doivent notamment publier le nom des donateurs. À défaut de respecter ces obligations, elles s’exposent à des sanctions. La Commission européenne a alors saisi la CJUE d’un recours en manquement contre la Hongrie estimant que cet État a introduit des restrictions discriminatoires, injustifiées et non nécessaires à l’égard des dons étrangers accordés aux organisations de la société civile.
Atteinte à la liberté d’association
La Cour a accueilli ce recours en manquement. Elle a constaté que, en imposant des obligations d’enregistrement, de déclaration et de publicité à certaines catégories d’organisations de la société civile bénéficiant directement ou indirectement d’une aide étrangère dépassant un certain seuil et en prévoyant la possibilité d’appliquer des sanctions aux organisations ne respectant pas ces obligations, la Hongrie avait introduit des restrictions discriminatoires et injustifiées à l’égard tant des organisations en cause que des personnes leur accordant une telle aide. Ces restrictions se heurtent aux obligations qui incombent aux États membres au titre de la liberté de circulation des capitaux énoncée à l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ainsi que des articles 7, 8 et 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatifs, respectivement, au droit au respect de la vie privée et familiale, au droit à la protection des données à caractère personnel et au droit à la liberté d’association.
Inspiration de la Cour européenne des droits de l’homme
Cet arrêt donne l’occasion à la CJUE de développer sa conception du droit à la liberté d’association (pts 110 à 119). Se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), elle souligne qu’il constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et pluraliste en ce qu’il permet aux citoyens d’agir collectivement dans des domaines d’intérêt commun et de contribuer, ce faisant, au bon fonctionnement de la vie publique. Ce droit ne comprend pas seulement la faculté de créer ou de dissoudre une association, mais englobe également la possibilité, pour cette association, d’agir dans l’intervalle, ce qui implique, notamment, qu’elle puisse poursuivre ses activités et fonctionner sans ingérence étatique injustifiée. En l’occurrence, elle a constaté que les mesures prévues par la loi de 2017 limitaient ce droit de manière injustifiée en ce qu’elles rendaient significativement plus difficiles, à plusieurs égards, l’action et le fonctionnement des associations relevant de cette loi. Elle affirme même, sans langue de bois, qu’« elles sont de nature à créer, en Hongrie, un climat de défiance généralisée envers les associations et les fondations en cause ainsi qu’à les stigmatiser ».
Cour de justice de l'Union européenne, 18 juin 2020, aff. C-78/18

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