La protection du secret des affaires combattue par des associations
Ce jugement du tribunal administratif de Paris est important. Il tente de concilier deux principes aussi contradictoires que légitimes : la liberté d’expression des journalistes et la protection du secret des affaires tel que consacré par la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018. Les faits sont les suivants : une journaliste d’un grand quotidien national et la société éditrice de ce journal ont sollicité devant le juge administratif l’annulation de décisions prises par le directeur du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) – organisme français chargé de réaliser les mesures et essais de produits de toutes sortes en vue de leur certification pour leur mise sur le marché – et une société, filiale du LNE à laquelle ce dernier a délégué son activité de certification des produits médicaux. Cette mission de certification débouche sur l’attribution, pour les produits obéissant aux critères réglementaires, du marquage « conformité européenne » ou « CE ». Les décisions contestées concernaient le refus du LNE et de sa filiale de communiquer la liste des dispositifs médicaux auxquels ils ont délivré le marquage « CE » au prétexte que ces informations relèveraient du secret des affaires.
Sur la procédure
Deux syndicats de journalistes – et un d’avocats – et pas moins de 44 associations – en majorité des sociétés de journalistes – sont intervenus volontairement à l’instance. Le tribunal administratif de Paris a jugé cette intervention recevable. Eu égard à leur objet – la défense des intérêts moraux et matériels de ses membres et, d’une façon générale, la défense des intérêts communs à tous les journalistes – ainsi qu’à la nature et l’objet du litige, les syndicats de journalistes justifient d’un intérêt suffisant pour intervenir dans cette instance. Le tribunal ajoute que, dès lors qu’au moins l’un des intervenants est recevable, une intervention collective l’est également. À cette intervention collective peuvent valablement prendre part les associations ayant introduit un mémoire dès lors que, eu égard à leur objet tel que défini dans leurs statuts, elles ont intérêt à l’annulation des décisions attaquées et que, conformément à leurs statuts, le dirigeant de l’association était autorisé à représenter cette dernière en justice.
Sur le fond
Les décisions de refus de communication sont annulées par le tribunal administratif de Paris, lequel enjoint au LNE et à sa filiale de communiquer à la journaliste et à la société éditrice de son journal la liste des dispositifs médicaux en cause. Cependant, tout n’est pas communicable et le tribunal procède à une distinction subtile – et convaincante – entre ce qui peut valablement être divulgué et ce qui ne doit pas l’être. Selon lui, la protection des affaires ne justifie pas le refus de communiquer la liste des dispositifs médicaux ayant obtenu le marquage « CE » et qui sont déjà mis sur le marché. Il ajoute que la communication de ces informations relatives à des dispositifs médicaux déjà commercialisés « contribue de manière significative au débat public sur une question d’intérêt général ». En revanche, s’agissant des dispositifs médicaux n’ayant pas été mis sur le marché, en raison soit d’un refus de certification « CE » par l’organisme de certification, soit de la stratégie commerciale du fabricant, la communication d’une liste recensant les dispositifs en question serait de nature à porter atteinte au secret des stratégies commerciales et industrielles des fabricants concernés en révélant leur volonté de commercialiser à l’avenir de tels dispositifs. Le refus opposé à la demande de communication de cette liste est donc ici fondé. Très précisément, ce refus constitue une « ingérence nécessaire et proportionnée à la protection des informations confidentielles en cause » et dans l’exercice du droit à la liberté d’expression.
Tribunal administratif de Paris, 15 oct. 2020, n° 1822236/5-2

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