Insuffisance d'actif : responsabilité d'un dirigeant bénévole
Cet arrêt a beau avoir été rendu à propos d’une société commerciale, il devrait intéresser de près les associations et tout particulièrement leurs dirigeants lorsque, hypothèse la plus fréquente, ils sont bénévoles.
Contexte
Il est question d’une société par actions simplifiée (SAS) dont le président, chose peu courante, est bénévole. Elle a été mise en redressement, puis en liquidation judiciaire. Le liquidateur a alors recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant. Cette action a pour siège l’article L. 651-2 du code de commerce, selon lequel, en cas de liquidation judiciaire d'une personne morale, ses dirigeants de droit ou de fait peuvent être condamnés à prendre personnellement en charge tout ou partie du passif impayé de celle-ci. Cette responsabilité ne peut être engagée que s'ils ont commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif. Le texte concerne tout dirigeant de personne morale. Il a, certes, d’abord vocation à s’appliquer aux dirigeants de société, mais les dirigeants d’association ne sont nullement écartés de son champ d’application.
Solution
Dans l’affaire jugée, le dirigeant social est condamné par la cour d’appel d’Amiens à la somme de 500 000 euros au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif. Ce n’est pas rien. Il forme alors un pourvoi en cassation, dans lequel il invoque l’argument suivant : la responsabilité pour faute est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire, y compris au dirigeant titulaire d'un mandat social dont la responsabilité est mise en jeu pour une faute de gestion qui aurait contribué à une insuffisance d'actif. Il laisse insensible la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi dans une solution de principe exprimée en ces termes : « [la] cour d'appel a énoncé à bon droit que l'article 1992, alinéa 2, du code civil, selon lequel la responsabilité générale du mandataire est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit, ne concerne pas la situation du dirigeant d'une personne morale en liquidation judiciaire poursuivi en paiement de l'insuffisance d'actif de celle-ci sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, la responsabilité de ce dirigeant s'appréciant, sur le fondement de ce texte spécial, de la même manière, qu'il soit rémunéré ou non ». La solution, en raison de sa généralité, devrait faire frémir les dirigeants d’association bénévoles. En réalité, si l’on y regarde de près, la jurisprudence en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif du dirigeant associatif, quoique peu abondante, paraissait d’ores et déjà en ce sens (v. not. TGI Grenoble, 30 sept. 1993, D. 1996. Somm. 26, obs. J.-P. Karaquillo ; RTD com. 1996. 89, obs. E. Alfandari). Désormais, elle ne laisse plus planer l’ombre d’un doute.
Cas de la faute de négligence
Il faut tout de même relever un motif de satisfaction pour les dirigeants. Il tient à ce que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a tempéré la sévérité de l’article L. 651-2 du code de commerce en ajoutant que, « en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée ». Certes, le texte ne vise expressément que le dirigeant de société, mais il s’agit là probablement d’une erreur de plume. Il est peu douteux que cette « exception de négligence » bénéficie également au dirigeant associatif, bénévole ou non. De toute façon, dans l’affaire jugée, les faits reprochés au dirigeant social s’étaient, semble-t-il, produits avant l’entrée en vigueur de la loi de 2016 et allaient au-delà de la simple négligence : ils résultaient de la location à la société commerciale qu’il dirigeait d’un bien immobilier appartenant à une société civile immobilière (SCI) dans laquelle il détenait des parts, moyennant le paiement d'un loyer d’un montant qu’on imagine excessif.
Cour de cassation, com., 9 déc. 2020, n° 18-24.730
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