Relations de travail : faux départ pour l'action de groupe "discrimination"
Ce jugement était très attendu car il est le tout premier à mettre en œuvre l’action de groupe instituée par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, dite « J21 », en matière de discrimination, et plus particulièrement de discrimination dans les relations individuelles de travail (L. n° 2016-1547 du 18 nov. 2016, JO du 19, art. 60 et s.). Il est peu douteux qu’il décevra tous ceux qui avaient placé grand espoir dans ce dispositif pour pouvoir lutter efficacement contre les discriminations dans les entreprises, singulièrement celles dont sont victimes les salariés exerçant des responsabilités syndicales.
Contexte
L’action de groupe dont il est ici question a d’ailleurs été exercée par le syndicat CGT devant le tribunal judiciaire de Paris contre une entreprise bien connue de l’industrie aéronautique afin d’obtenir la reconnaissance, la cessation et la réparation de la discrimination syndicale dont s’estimaient victimes 36 salariés et anciens salariés de cette entreprise élus ou mandatés au titre de la CGT. Ce syndicat a utilisé la méthode dite « des panels », consistant à procéder à une comparaison de l’évolution de la situation dans l’entreprise d’un certain nombre de salariés partageant les mêmes niveaux de qualification, que ce soit sur leur rémunération ou leur évolution de carrière, selon qu’ils appartiennent ou non à la CGT.
Rejet de l’action de groupe
Le tribunal rejette la demande du syndicat pour deux raisons, toutes deux marquées du sceau de l’orthodoxie. D’une part, appliquant le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle (C. civ., art. 2), il estime que l'examen des situations individuelles de salariés amène à considérer qu'il n'est pas contestable que quasiment aucun des faits ou manquements argués de générateurs de disparités assimilables à de la discrimination n'est postérieur à la date du 20 novembre 2016, qui est celle de l'application de la loi J21. D'autre part, le tribunal considère que les quelques éléments de ces situations individuelles qui sont postérieurs à la date précitée du 20 novembre 2016 sont « très largement insuffisants pour objectiver dans le temps une quelconque tendance révélatrice de disparités pouvant le cas échéant être constitutives de discriminations ». Il faut dire que l’entreprise mise en cause ayant été assignée le 30 mars 2018 par la CGT, le tribunal judiciaire n’a pu apprécier le comportement de l’employeur à l’égard du panel des 36 salariés que sur un laps de temps très limité – de moins d’un an et demi –, à l’évidence insuffisant pour pouvoir démontrer l’existence d’éventuelles discriminations syndicales. L’action de groupe est donc finalement rejetée pour des raisons de preuve.
Quid des associations ?
L’action de groupe en matière de discrimination au travail a vocation à être exercée par les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise concernée, et c’est précisément ici le cas puisque la CGT est l’ancien syndicat majoritaire avec une représentativité supérieure à 40 %. Mais les associations ne sont pas pour autant « hors jeu » en ce domaine, même si leur champ d’intervention est plus limité. En effet, comme l’indique l’article 87 de la loi du 18 novembre 2016, « une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise ». Cela étant, à ce jour, ce texte ne paraît pas avoir encore été véritablement apprivoisé par les associations en pointe dans les luttes contre les discriminations.
Tribunal judiciaire de Paris, 15 déc. 2020, n° 18/04058

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