Legs à une association incorrectement désignée
Les ressources de nombreuses associations d’utilité publique – et, depuis la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, les associations d’intérêt général simplement déclarées d’au moins trois ans d’existence – proviennent pour partie de legs. Une incertitude – parfois source de contentieux – réside dans le fait que le légataire, ou le notaire en cas de testament authentique, n’a pas toujours énoncé clairement dans le testament l’identité de l’association qu’il entend gratifier. Tel était précisément le cas dans l’affaire dont a eu à connaître la cour d’appel de Montpellier.
Contexte
Les faits méritent d’être relatés : une personne, décédée en 2014, avait pris soin de faire établir de son vivant un testament par son notaire aux termes duquel elle avait institué deux légataires universels et les avait chargés de délivrer le legs particulier qu’elle avait fait d’une maison et d’un terrain lui appartenant à « l'association reconnue d'utilité publique pour handicapés physiques et mentaux [UNAPI] la plus proche de Castelnau-le-Lez », commune du département de l’Hérault (34). Cette association n’existant pas en réalité, les légataires universels ont alors saisi le tribunal de grande instance de Montpellier pour cause de nullité du testament pour erreur sur l'identité et la qualité du bénéficiaire. Il est vrai que l'article 901 du code civil dispose que « [la] libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ». Ce tribunal rejette la demande. Sa décision est ensuite confirmée en appel, la cour d'appel de Montpellier considérant que lorsque le bénéficiaire du legs est insuffisamment désigné, il appartient aux premiers juges de rechercher, par tous moyens, l'intention du testateur.
Identification de l’association gratifiée
Les juges ont ainsi cherché à identifier l’association qui est désignée dans le testament. Certes, l'association dénommée UNAPI n'existe pas. Il n’en demeure pas moins que la testatrice avait eu clairement l'intention de « léguer un bien immobilier lui appartenant à une association reconnue d'utilité publique afin d'y faire une maison de retraite ou un foyer qui accueillera des personnes handicapées physiques ou mentales ». Or, ajoutent les juges, « l'UNAPEI est indiscutablement la fondation la plus connue par le grand public pour la gestion et l'accompagnement des personnes handicapées, que le handicap soit physique ou mental, tout un chacun ignorant communément la forme juridique de l'UNAPEI, association ou fondation reconnue d'utilité publique, et la différence juridique entre association et fondation ». En reproduisant le sigle UNAPI, tout particulièrement proche d'une lettre de l'UNAPEI, la testatrice, par la main de son notaire, s'est trompée dans l'intitulé exact de la dénomination du bénéficiaire l'UNAPEI et commit une simple erreur matérielle par omission du « E » alors même qu'elle a entendu gratifier l'UNAPEI. L'erreur dans la désignation de la personne gratifiée ne peut dès lors entacher le testament de nullité et le priver d'efficacité.
La fiscalité joue les trouble-fête
Mais à ce stade, tout n’est pas réglé pour autant. Il convient en effet de déterminer quelle est l’UNAPEI bénéficiaire du legs. Ce n’est pas si simple car il en existe au moins une par département. Or, l'association UNAPEI la plus proche de Castelnau-le-Lez est l'UNAPEI 34. Cependant, cette association n'est pas reconnue association d'utilité publique. Seule la fondation UNAPEI, à laquelle l'UNAPEI 34 est affiliée, est reconnue d'utilité publique en servant l'intérêt général sous la tutelle de l'État. L'association non reconnue d'utilité publique peut recevoir un legs, mais elle est alors soumise à des droits de succession de 60 %. Or, voir amputer son legs de plus de moitié n'était pas la volonté de la testatrice. C'est donc à bon droit que le premier juge, interprétant souverainement la volonté de la testatrice, a jugé que le destinataire du legs est l'UNAPEI, à charge pour elle d'en faire bénéficier l’UNAPEI 34. La morale de l’histoire est la suivante : dans la rédaction d’un testament, il faut être attentif dans la désignation du bénéficiaire d’un legs !
Cour d’appel de Montpellier, 29 oct. 2020, n° 16/05650

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